Beaucoup de raisons d'espérer mais des bilans toujours aussi mitigés... Beaucoup de belles énergies et cette conférence comme les précédentes a le mérite de leur donner de l'écho mais force est de constater que la dynamique actuelle reste insuffisante.
Pourquoi ? Chacun en fonction de son histoire et de l'endroit d'où il parle, pointera le ou les responsables... Pouvoirs publics court termistes, lobbies et acteurs économiques obnubilés par la préservation de leurs intérêts et la logique du profit, citoyens schizophrènes aspirant à un monde durable et sain mais cherchant le prix le plus bas, inertie des organisations, des systèmes, et pour certains, nature intrinsèquement prédatrice de l'espèce humaine...
Il me semble que toutes ces raisons font partie du problème mais que la n'est pas notre obstacle principal. Après avoir essayé comme beaucoup de réparer, corriger, changer le système, j'en suis arrivé à la conclusion que l'obstacle principal à (ma) notre transition vers des modes de vies plus soutenables n'est ni le système, ni ses productions mais bien davantage l'instance duquel il émerge, duquel tout émerge...
Cet instance se situe à quelques centimètres au dessus de mon nez, dans cette région du corps que nous appelons "cerveau" au sein duquel se manifeste cette fonction régulatrice et créatrice que nous appelons "esprit". C'est bien cette fonction qui nous permet de nous sentir exister, de nous orienter, de créer, de bâtir, de rêver et... de détruire. C'est bien d'ici que tout ce que homo sapiens imagine, crée, déploie... émerge.
On peut donc dire avec Jon Kabat-Zinn, fondateur du Center For Mindfulness à UMass medical school, que nombre de nos problèmes individuels et collectifs peuvent en dernière instance être ramenés à la manière dont l'esprit humain (et en particulier celui de chacun d'entre nous) s'exprime dans le monde. Ils en sont les fruits volontaires ou involontaires.
Si la source du problème ou l'obstacle principal à sa résolution se situe non pas dans les "expressions" elle-mêmes mais dans l'instance qui les crée, il n'est pas surprenant d'observer cette résistance au changement évoquée au début de cette contribution.
Une autre approche est-elle possible ? A mon sens elle est déjà à l'oeuvre avec la sécularisation de certaines pratiques issues des traditions contemplatives qui depuis 2500 ans explore la nature de l'esprit par la voie interne.
Ma rencontre avec la mindfulness et le programme MBSR conçu par Jon Kabat-Zinn a été pour moi la prise de conscience et l'expérience du lien entre ces notions d'évolution personnelle et de transition collective.
Le paradoxe est dans un premier temps troublant, alors que tout nous invite à l'action du fait de l'urgence de la situation, que cette situation soit individuelle ou en lien avec des enjeux collectifs, la première chose à laquelle nous invite la mindfulness est à nous assoir et à ne rien faire... Et dans ce "rien faire" la première chose que nous rencontrons est justement l'esprit, son agitation, sa réactivité, les effets très tangibles et souvent délétères de sa réactivité (stress)...
A partir de cette réalisation peut commencer le travail de son apprivoisement et de sa pacification, désactivant ce qui produit du désordre et activant ce produit de l'harmonie. Dans mon expérience, cette pacification est autant au service d'une évolution de soi vers davantage de soutenabilité, une meilleure santé, une plus grande joie de vivre... que d'une expression de soi dans le monde qui contribue à la durabilité de ce dernier.
S'assoir et ne rien faire si ce n'est rencontrer l'esprit et sa réactivité, explorer, laisser être et lâcher prise est une manière d'accorder son instrument pour pouvoir en jouer en harmonie avec la mélodie qui nous entoure. Il n'y a d'une certaine manière rien de plus urgent à faire et en un sens, la vrai rupture est peut être dans ce geste radical.
Alors à tous ceux qui souhaitent changer le monde pour le rendre plus durable plus résilient, plus ouvert, plus accueillant... avant toute chose et si votre condition le permet, prenez le temps de vous assoir et de méditer...
Merci en tout cas à la Global Conference pour m'avoir stimuler... l'esprit !
Dominique Retoux
Instructeur Mindfulness & MBSR